Deux jeunes hommes accusés d'avoir violé une adolescente de 13 ans viennent d'être acquittés par la cour d'assises des mineurs. Un verdict inacceptable pour la plaignante. Son témoignage pose plus que jamais la question de l'âge du consentement sexuel pour les mineurs.
Soirée arrosée
Ce soir-là, Susie* se rend à une fête avec des amis dans un village dans la Vienne. La collégienne y retrouve des connaissances ; son petit ami, Marc*, est là. La jeune fille et le jeune homme, de quatre ans son aîné, se fréquentent depuis quelques semaines.La soirée est arrosée. Il y a de l’alcool et du cannabis. Susie consomme plusieurs vodkas, quatre ou cinq. Au bout de quelque temps, elle se sent mal et monte se coucher dans l’une des chambres de la maison. Marc l’y rejoint avec l’un de ses amis, Guillaume* âgé de 16 ans.
Ci-dessous le témoignage de Susie (recueilli par notre rédaction)
C’est alors, raconte la jeune fille, que les deux garçons la déshabillent et abusent d’elle, à tour de rôle ; elle assure qu'elle n'était pas d'accord. "J'avais beaucoup bu, je n'étais pas moi-même pour montrer physiquement que c'était "non". Mais je n'ai pas dit "oui" non plus et c'est ce qui compte" se souvient-elle. "Ils n'avaient pas le droit de faire ce qu'ils ont fait."
Viol en réunion
La mère de l'adolescente porte plainte quatre semaines plus tard lorsque sa fille finit par se confier. "Je n'ai pas tout de suite compris que c'était un viol, j'étais si jeune à l'époque. C'est plus tard, en en parlant avec d'autres personnes que j'ai réalisé".
Au cours de leurs multiples auditions, les deux garçons nient toute relation non consentie. "Elle disait rien puis après elle dit qu'on l'a violée" se défend l'un d'eux. Tout juste reconnaissent-ils avoir vu la jeune fille pleurer à l’issue du rapport sexuel.Au terme de plusieurs années d'instruction, Marc et Guillaume sont accusés de viols en réunion sur mineur de 15 ans et renvoyés devant la cour d'assises des mineurs de la Vienne à Poitiers, Le procès s'est tenu à huis clos en fin de semaine dernière : ils ont été acquittés.
Les juges ont estimé que la preuve de la violence, constitutive du viol, n’était pas suffisamment établie et que la victime avait fait part de son désaccord tardivement (lire notre encadré).
"Une enfant"
Le verdict est incompréhensible pour Susie, "en colère et traumatisée". "C'est très dur pour moi. C'est comme si on ne m'accordait aucune importance en tant qu'être humain." Elle espérait des regrets, voire des excuses mais n'a eu ni l'un, ni l'autre.En plein débat sur l'âge du consentement sexuel des mineurs, qu'Emmanuel Macron souhaite fixer à 15 ans, la jeune femme oppose que dans son pays, la Grande-Bretagne, il est fixé à 16 ans "quand on a plus de maturité" : " À 13 ans, on n'est pas capable de prendre ce genre de décision. Même si j'avais été sobre (...) J'étais une enfant." estime-t-elle.
Sans attendre une évolution de la loi, elle souhaiterait un nouveau procès. "J'ai été privée de mon adolescence. Et à cause de ça, je n'arrive pas à être la femme adulte que je souhaite devenir" confie-t-elle. "Si je ne me bats pas, je vais le regretter toute ma vie."
Le parquet général, seul habilité à faire appel, a jusqu'à lundi pour faire connaître sa décision.
(*les prénoms ont été modifiés)
Un reportage d'Antoine Morel, Elodie Gérard, Tanguy Scoazec, Julien Delage et Guillaume Soudat
Un verdict qui divise
Ce verdict rendu vendredi soir par la cour d'assises des mineurs de la Vienne suscite des réactions. (Regardez notre reportage)Pour Françoise Petit, du Planning familial de la Vienne, cet acquittement pose certes la question du "discernement" d'une jeune fille de 13 ans, "une gamine". Surtout, il interroge : "Quel est le signal qui est envoyé aux garçons ? Continuez ! De toute façon, vous serez acquittés".
Du côté de la défense évidemment, le son de cloche est bien différent. Me Patricia Coutant rappelle que la loi en matière de crimes sexuels est très claire : "Il y a infraction pénale dès lors que l'on démontre que la personne ne veut pas et que l'auteur sait qu'elle ne veut pas. Mais il faut la preuve que la personne n'est pas consentante et que l'auteur l'a bien compris".
Quant à Me Nelly Souron-Laporte, l'avocate de la plaignante, elle se dit inquiète de l'état de santé de sa cliente depuis l'annonce du verdict : "Elle a le sentiment, et elle a parfaitement raison, qu'elle a été traitée comme un morceau de viande consommable. 13 ans, déflorée dans des conditions pareilles, que voulez-vous que je vous dise d'autre ?"